Fabien DANESI

Directeur du FRAC CORSICA
L’A (rt) NATOMISTE
S’il a pu voir plus loin, c’est qu’il se tenait sur les épaules de … l’Art contemporain. 

Et si nous pouvons voir plus loin cette année, c’est parce que nous nous tenons sur les épaules de… Fabien Danesi, directeur du FRAC de Corse. 

Historien de l’art contemporain, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, ancien maître de conférences à l’Université de Picardie Jules Verne et ex-directeur artistique du Pavillon, laboratoire de création du Palais de Tokyo à Paris, Fabien Danesi multiplie les références et fait feu de toutes ses expériences. Chez Under My Screen, cela fait deux ans que nous lui faisons les yeux doux pour qu’il participe au Festival. Deux ans que le Président -Jean-Paul Filippini pour ne pas le nommer- a été bluffé un jour de plateau : « nous étions en direct sur Via Stella. Je l’écoutais. Subjugué. C’est la première fois que je rencontrais une personne qui me donne envie d’aller plus loin avec l’Art contemporain » … 

Membre du jury de l’Inédit -cette XVe édition du festival du Cinéma britannique et irlandais de Corse-, Fabien Danesi est un critique d’art connu pour ses analyses pointues, son approche sensible des œuvres contemporaines, son langage accessible (Jean-Paul Filippini lui en saura gré toute une vie !), son sens accru du dialogue et sa capacité à relier les œuvres aux contextes socioculturels et historiques dans lesquels elles s’inscrivent. Il a souvent exploré des thèmes tels que l’identité, la mémoire et les enjeux sociaux à travers son écriture. Il dira, en août dernier, d’un film de Yuyan Wang projeté dans le phare de Senetosa à l’occasion d’ « Art et Sport », événement qu’il a orchestré en Corse en hommage aux Jeux Olympiques : « cette expérience permet de découvrir un nouveau vocabulaire visuel et de prendre le pouls de notre époque, l’art contemporain capturant les mutations de notre civilisation. Le film de Wang, avec son montage sophistiqué d’images, permet de ressentir les changements de notre société. ». 

Et lorsque nous demandons à Fabien Danesi quel est son film anglais préféré, il préfère citer deux auteurs – « tant une œuvre se construit avant tout d’une proposition à l’autre par jeux d’échos et d’inflexions » – Adam Curtis et Alan Clarke. Adam Curtis, une des figures majeures du cinéma documentaire, n’a eu de cesse d’interroger notre modernité dans des films et séries, parfois provocateurs, souvent vertigineux. « Une des plus érudites et sidérantes déconstructions des arcanes du pouvoir jamais mises en images », dira-t-on de lui.  

Danesi, comme Curtis, dissèque et analyse, lie et relit pour nous offrir un autre regard. Behind the screen. 

Second auteur « préféré » pour Fabien Danesi : Alan Clarke, cinéaste anglais considéré comme l’un des plus prometteurs, une référence pour les nouvelles générations de réalisateurs, surtout connu pour son exploration d’un cinéma atypique, souvent très provocateur. (C’est à lui que nous devons Scum en 1979, qui met en scène des jeunes délinquants dans une maison de correction pour mineurs et, dix ans plus tard, en 1989, le court-métrage Elephant, radiographie de la violence gratuite où des hommes tuent sans aucune explication). 

« Que ce soit dans le champ de la fiction pour le premier ou dans celui du documentaire pour le second, je considère que leur travail est admirable ». 

Amoureux de l’art sous toutes ses formes, Fabien Danesi écoute de la musique, regarde des films et il ne se passe pas une journée sans que l’une de ces deux activités n’aient lieu :« les images et les sons participent d’une trame intime qui est peut-être l’expression la plus simple de mon désir de redoubler le réel par l’imagination. » 

Si j’ai pu voir si loin, c’est que je me suis tenu sur les épaules de … 

Pour en arriver là, pour se jucher si haut, il a fait des rencontres fortes qui ont bougé ses lignes : « l’un des moments les plus importants de ma vie a été ma rencontre avec Ange Leccia –plasticien français né en Haute-Corse-, le 3 octobre 1997, à l’occasion du vernissage de son exposition Pacifique au musée d’art moderne de la ville de Paris. Porté par mon amour pour le cinéma, je m’apprêtais à travailler sur son œuvre dans le cadre d’un diplôme d’études approfondies en histoire de l’art à l’Université Paris-Sorbonne. Ce premier échange a marqué le début d’un long compagnonnage qui m’a amené à écrire très régulièrement sur ses créations, mais aussi à suivre ses pas à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, ou à être le directeur de la programmation artistique du Pavillon, au Palais de Tokyo, qu’il avait créé en 2000. Ce dialogue incessant a donc été déterminant pour moi et il continue encore à l’être aujourd’hui à la direction du FRAC Corsica. Je suis avec beaucoup d’intérêt la programmation de la Casa Conti – Ange Leccia à Oletta qui est un lieu dédié entièrement aux images en mouvement. 

En parlant de voir plus loin, son personnage anglais préféré se pose là : William Blake (également « personnage principal de Dead Man, film de Jim Jarmush »). Considéré comme l’un des plus grands visionnaires du début de l’ère romantique, graveur, aquarelliste, Blake est surtout connu pour ses poèmes mystiques dictés par des visions oniriques.

 

    • Dites Fabien, que feriez-vous enfermé à Buckingham Palace ? 
    • « Je ferai comme le trio de Bande à part (1964) de Jean-Luc Godard qui traverse les galeries du Musée du Louvre en courant… Enfermé, j’essaierai juste d’améliorer mon temps ! »
    • Dites Fabien, quel serait pour vous le festival idéal ?
    • Un festival est un moment de découvertes et d’échanges. Mon festival idéal serait un festival où les conversations auraient la même qualité que les dialogues du film My Dinner with André (1981) de Louis Malle ». 

    Tous les sens en éveil, l’Art comme étendard, Fabien Danesi nous offre son regard affûté l’espace de huit jours et de quelques films. A l‘instar du Président d’Under My Screen, nous savons déjà que nous serons bluffés…

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    1 Fonds Régionaux d’Art Contemporain